mercredi 24 septembre 2014

3 Coeurs (Benoît Jacquot)

3 Coeurs
Un film de Benôit Jacquot sorti en salles en 2014.

















Note à moi-même – qui d’autre peut bien lire ces lignes : ne jamais aller voir un film quand toute l’histoire est condensée dans la bande annonce. Celle de 3 cœurs m’avait pourtant plutôt donné envie. Le potentiel mélodramatique de l’histoire, des acteurs sympathiques, une belle photographie et Benoît Jacquot. Nom un peu Totem car je n’ai vu qu’un seul film de lui (Les adieux à la Reine) et que je l’avais déjà trouvé sans relief. J’avais eu exactement le même sentiment avec Dans la maison de François Ozon. Un scénario malin, une bande annonce efficace et un réalisateur français assez coté, ni adoré ni méprisé. Durant la séance, patatras, j’avais trouvé le film nul. Rebelote avec 3 coeurs.

Le problème ne vient pas du scénario, qu’on pourrait qualifier de peu réaliste mais qu’importe. J’étais prêt à y croire, à cette histoire de contrôleur des impôts parisien qui tombe follement amoureux d’une provinciale, la perd de vue puis se marie avec sa sœur quelques années après. Cet homme qui aime deux sœurs simultanément comme dans Les anglaises et le continent de Truffaut. Ce choix entre la passion et la raison, entre le coup de foudre et les convenances familiales comme dans Two Lovers de James Gray, voire La Jalousie de Philippe Garrel. Je n’ai ressenti que longueur, ennui et énervement. La faute à une mise en scène qui fait toujours les mauvais choix.

D’abord, la musique de Bruno Coulais, qui convoque un orchestre pour ponctuer chaque rebondissement. Marc a raté son train, paaaam. Marc rencontre une belle inconnue, paaaam. Marc hésite à monter l’escalier, paaaaam. Marc regarde des photos des deux sœurs dans l’escalier, paaaam. A coté, Wagner c’est de la légèreté. L’autre grande idée sonore du film est d’utiliser une voix off, celle de Jacquot semble-t-il, pour raconter des banalités.

Les dialogues ajoutent une couche de lourdeur au film. N’ayant pas lu Marc Lévy ou Guillaume Musso, je doute que leurs dialogues soient pires qu’ici. Par exemple, pendant la scène de rencontre entre Marc (Pooelvorde) et Sophie (Mastroianni) on a droit à ce très beau trait d’esprit : Elle. « - Je dis souvent je sais pas. C’est comme ça, j’ai peu confiance en moi. » Lui : « - Moi aussi, je dis souvent je sais pas. C’est drôle. (..) Et ton père, il est où ? » Elle « Je sais pas. Là, c’est vrai, je sais vraiment pas ». Rires. Il y a un autre grand moment de finesse, lors de ce diner. Elle « - Sophie, ça veut dire sagesse en grec, je ne suis pas très sage pourtant ». Lui « Peut être que la vraie sagesse c’est de se rendre compte qu’on n’est pas très sage. » Du cinéma d’auteur de grande qualité.

Plus tard dans le film, il y a une séquence complètement ridicule, dans laquelle Benoît Jacquot découvre le texto comme arme dans une relation adultérine. Bien qu’ils soient mariés depuis plus de cinq ans, Marc doit subtiliser discrètement le téléphone de sa femme pour prendre le numéro de sa sœur Sylvie, qu’il renomme S (finaud, le Marc). Puis, il se cache pour lui envoyer un texto. Pendant de longues minutes, on a le droit à un échange de sms où rien ne nous est épargné : la sonnerie du téléphone (personne ne connait le mode vibreur dans le film), les doigts tremblants d’émotions pour ouvrir le message, gros plan sur le message, les doigts tremblants à nouveau pour répondre. Voila les messages envoyés au cours de ce fol épisode :
-          Je viens.
-          Quand ?
-          Maintenant ?
-          Oui.
Quittant le nid familial au beau milieu de la soirée, sans prévenir, Marc reçoit à nouveau un texto, mais de sa femme cette fois :
-          T’es où ? Inquiète.
Il parait que le ridicule ne tue pas. Pas si sur, car c’est quand même un ultime coup de téléphone qui terrassera Marc le cardiaque.

Car oui, Marc a des problèmes de cœur (la finesse, toujours). C’est d’ailleurs à cause d’un infarctus qu’il a raté son rendez-vous avec Sylvie. Dans une scène d’un mauvais gout certain, dans laquelle Jacquot a besoin d’utiliser des chinois ne parlant pas français pour ouvrir un espace de comédie dans le film, Marc fait un malaise. Serré dans sa cravate, Poelvoorde transpire, s’agite, souffle, grimace… Il jouera à peu près de la même manière la scène de désir sexuel lorsqu’il est dans la voiture avec Sylvie, qu’il retrouve pour la première fois depuis si longtemps. Acteur pourtant sympathique et parfois excellent, Poelvoorde ne fais pas exister Marc. Par exemple, lors de la scène de mariage, ce n’est pas Marc que l’on voit hésitant et regardant la porte en attendant Sylvie, mais Poelvoorde dans son rôle de clown triste et grimaçant qu’il joue dans un film sur deux.   

L’épisode du redressement fiscal du maire constitue une autre maladresse scénaristique. D’abord parce que ces scènes semblent plaquer dans le film sans que Jacquot n’ait de réel plaisir à les filmer. Surtout, par ce qu’elles montrent implicitement. Finalement, ce n’est que par frustration amoureuse, par confusion sentimentale, que Marc décide d’enquiquiner le notable qui l’a marié. Ces inspecteurs des impôts y font qu’à nous embêter parce qu’y sont pas heureux dans la vie, nous dit Jacquot. Le choix du contrôleur des impôts comme un homme terne qui fait pleurer les pauvres dames qu’il prend dans ses filets est plutôt douteux.


Pour finir sur une touche positive, il y a deux scènes que j’ai trouvé très réussies. D’abord une scène de repas – nombreuses dans le film. Sylvie (Charlotte Gainsbourg) revient des États-Unis mais elle n’a pas encore retrouvé Marc. Attablé, il la dévore du regard, toujours grimaçant. Elle fait tout pour éviter son regard. Jusqu’au moment où leurs regards se croisent. Plus précisément, jusqu’au moment où Charlotte Gainsbourg lance un regard caméra d’une telle intensité que ces poignées de secondes sauvent presque le film. L’autre grand moment d’intensité, c’est une rencontre nocturne sur Skype, entre Marc et Sylvie. Alors que j’avais trouvé la scène Skype longue et embarrassante dans le Bird People de Pascale Ferran, j’ai été bouleversé par la force de cette scène. Ici encore, Charlotte Gainsbourg est impressionnante et Benoît Poelvoorde ne tient pas la comparaison.  Ces deux regards enfiévrés de Charlotte Gainsbourg sont les atouts qui permettent à 3 cœurs de ne pas finir Fanny.

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